Petite histoire de la notion d’ambiance


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Jean-Paul Thibaud



clinique et à la psychologie au sens habituel du terme. Ce n’est pas tant à l’individuel en tant que cas singulier que nous opposons le commun et le général, qu’à l’individuel en ce qu’il a de contingent, de variable et d’inconstant nous opposons l’essentiel qui le dépasse et le porte en même temps. »[21] Bref, il s’agit de se détacher du subjectif pour découvrir la structure sous-jacente d’une manière d’être au monde. D’autre part, cette anthropologie ne se focalise pas sur le sujet lui-même mais plutôt sur la morphologie du monde dans lequel il s’inscrit. Autrement dit, c’est le rapport de l’homme au monde, le comment de l’être dans le monde, qui constitue le fil conducteur de l’analyse : « Pas d’existence qui ne soit existence dans le monde ou exister n’est autre chose qu’être dans le monde. De ce fait : 1° l’opposition entre sujet et objet, à laquelle la pensée est venue toujours à nouveau se heurter, est surmontée : le sujet n’existe que dans la mesure où il est dans le monde ; 2° la psychologie centrée sur un sujet détaché du monde fait place à l’anthropologie, c’est-à-dire à l’étude de l’être humain rattaché par essence au monde dans lequel il est. »[22]

C’est sur la base de cette anthropologique clinique que la thématique des ambiances émerge et prend tout son sens. Notons tout d’abord que la notion d’ambiance permet d’identifier certains traits fondamentaux de l’existence humaine. Mais encore, plus que l’ambiance elle-même, c’est l’attitude à l’égard de l’ambiance qui est ici questionnée. Ainsi, à la suite de Bleuler, Minkowski distingue deux principes vitaux qui règlent notre équilibre mental : la syntonie et la schizoïdie[23]. La syntonie désigne le principe qui nous permet de « vibrer à l’unisson avec l’ambiance ». Elle assure le contact vital avec la réalité et renvoie au sentiment d’harmonie avec le monde. La schizoïdie, au contraire, désigne la faculté de « nous détacher de cette même ambiance ». Elle procède de l’élan personnel, permet d’affirmer le moi, de donner sens et direction à l’avenir. Il s’agit là de deux fonctions normales et complémentaires de la vie humaine. Ce n’est que quand une des deux fonctions s’hypertrophie et prend le dessus sur l’autre qu’apparaissent alors des troubles pathologiques : un excès de schizoïdie donnerait naissance à une schizophrénie, alors qu’un excès de syntonie conduirait plutôt à un trouble maniaco-dépressif.

 

Ibid.



[21] Minkowski, E. (2002) Phénoménologie et analyse existentielle en psychopathologie. In Ecrits cliniques. Ramonville Saint-Agne : Erès, pp. 95-138

[22] Ibid.

[23] Minkowski, E. (1995) Le temps vécu. Paris : P.U.F., Coll. Quadrige. Remarquons ici l’affinité étroite entre cette distinction opérée par Minkowski et celle opérée par Gilbert Durand entre le régime nocturne et le régime diurne de l’imaginaire. Cf. Durand, G. (1969) Les structures anthropologiques de l’imaginaire. Paris : Bordas.















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