Petite histoire de la notion d’ambiance


resumo resumo

Jean-Paul Thibaud



l’harmonie du monde ambiant et commun, qui jusqu’ici nous portait, reçoit soudain un choc tel qu’elle vacille. En un tel instant, notre existence est effectivement lésée, arrachée à l’appui qu’elle prend sur le monde et rejetée sur elle-même. Jusqu’à ce que nous trouvions à nouveau un nouvel ancrage dans le monde, notre Dasein total sera dans la direction de signification du trébuchement, de l’affaissement et de la chute. Nous appelons forme cette direction générale de signification et contenu l’effroi brutal, par où nous voyons qu’ici les deux ne sont encore qu’un. »[34] Ainsi, le phénomène de la chute ne peut être réduit à une de ses acceptions, qu’elle soit physique, morale, affective ou spirituelle. La chute relève d’une direction de sens dans la mesure où elle opère l’unité entre une forme de l’espace-temps vécu, un style de mouvement du corps vivant et une tonalité affective dominante. De ce point de vue, une direction de sens rend compte d’une manière d’être au monde spécifique[35]. Binswanger accorde une attention toute particulière à la chute mais il n’en dégage pas moins d’autres directions de sens comme l’ascension, l’étroitesse, l’ampleur ou l’éloignement. Si l’espace thymique - tel que caractérisé et spécifié par les directions de sens - est un espace chargé de qualités qui convoquent la corporéité et la sensorialité du sujet, il renvoie d’abord et avant tout à la sphère des sentiments vitaux et pas seulement à celle des sentiments sensoriels. Autrement dit, ce qui est visé dans les directions de sens, c’est la dimension atmosphérique ou climatique de l’être au monde. De même que Minkowski se saisit des sens de manière à dégager leur portée vitale, Binswanger met surtout l’accent sur le caractère vital des tonalités affectives. Là encore, la sensorialité du sujet n’est pas thématisée en soi ou pour elle-même, elle ne prend tout son sens que rapportée à des états émotionnels et des dispositions d’humeur.

Sans doute revient-il à Straus d’avoir véritablement développé le versant esthésique de notre présence au monde. Partant d’une critique très serrée du behaviorisme, il élabore la notion de « sentir » pour désigner le mode de relation originaire que nous entretenons avec le monde. Si comme Minkowski et Binswanger il s’interroge lui-aussi sur le vivant et sur les modalités de l’existence humaine, il accorde une place essentielle à la dimension sensible de l’expérience vécue. Comme le remarque Renaud Barbaras à propos d’Erwin Straus : « Le vivant n’est pas le sujet constitué du

Comme le remarque Maldiney : « Son sens est au-delà ou plutôt en-deçà de toutes ces acceptions locales. Et il doit être appelé une direction de sens, cette alliance de mots rendant sensible l’unité du sens-direction et du sens-signification – qui est celle précisément de l’esquisse existentielle et du dévoilement de l’être qui s’opère en elle. » Cf. Maldiney, H. (1973) Regard, Parole, Espace. Paris : L’Age d’Homme.



[34] Binswanger, L. Le rêve et l’existence. Op. cit.

[35] Comme le remarque Maldiney : « Son sens est au-delà ou plutôt en-deçà de toutes ces acceptions locales. Et il doit être appelé une direction de sens, cette alliance de mots rendant sensible l’unité du sens-direction et du sens-signification – qui est celle précisément de l’esquisse existentielle et du dévoilement de l’être qui s’opère en elle. » Cf. Maldiney, H. (1973) Regard, Parole, Espace. Paris : L’Age d’Homme.















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