Petite histoire de la notion d’ambiance


resumo resumo

Jean-Paul Thibaud



sensibilité esthétique délivrée des contraintes de l’action ou de se soumettre docilement aux caprices du destin, aux hasards de l’existence. Or la théorie de l’action ne peut se défendre d’un tel reproche que si son concept d’action est défini de manière à inclure aussi la passivité, la sensibilité, la réceptivité, la sérénité. Ce doit être un concept qui ne décrit pas l’activité ininterrompue de l’homme comme une production d’actes particuliers, mais comme une certaine structure de la relation entre l’organisme humain et son environnement ».

On ne saurait être plus explicite. Il en va ici de la manière dont le pragmatisme se saisit du concept d’action pour penser l’expérience dans son universalité. Bref, il ne faut certainement pas rabattre le pragmatisme sur un activisme aveugle qui empêcherait de reconnaître l’existence d’actions non instrumentales à portée esthétique. Bien au contraire, plutôt que de parler de « l’action » – au singulier – le pragmatisme admet la pluralité des types d’action. Si l’action peut être instrumentale, c’est-à-dire servant à atteindre une fin extérieure à elle-même, elle peut tout aussi bien être non-instrumentale. Ainsi en va-t-il des jeux d’enfants ou de la création artistique. Loin d’opposer l’expérience ordinaire à l’expérience esthétique, il convient au contraire de reconnaître la continuité entre ces deux domaines[66].

Une autre façon de développer cet argument est de montrer que même dans les conduites les plus contemplatives ou désintéressées, nous continuons à agir : nous nous positionnons d’une certaine manière vis-à-vis de l’environnement et adoptons ainsi une attitude active à son égard[67]. Autrement dit, la réceptivité n’est pas passivité. Elle s’accompagne toujours d’un ensemble de réponses motrices et d’impulsions corporelles qui reconfigurent la situation à un moment donné. Si tel n’était pas le cas, la perception se réduirait à un simple processus de reconnaissance ou d’identification. Inversement, l’action n’est possible que dans la mesure où elle s’accompagne de phases de relâchement qui s’affranchissent d’un pur rapport instrumental du corps à son environnement. Ainsi, « la théorie de l’action doit donc s’intéresser autant à la formation du contrôle corporel qu’à la manière dont l’individu apprend à relâcher ce contrôle »[68]. Bref, ce n’est pas le domaine pratique lui-même qui nuirait à l’expérience

C’est une des thèses principales développées par John Dewey dans Dewey J. (1934) Art as Experience. New York : Minton, Balch & Co. L’expérience esthétique devrait ainsi être considérée comme l’intensification de qualités d’ores et déjà en œuvre dans l’expérience ordinaire.

Joas, H. La créativité de l’agir. Op. cit.



[66] C’est une des thèses principales développées par John Dewey dans Dewey J. (1934) Art as Experience. New York : Minton, Balch & Co. L’expérience esthétique devrait ainsi être considérée comme l’intensification de qualités d’ores et déjà en œuvre dans l’expérience ordinaire.

[67] Dewey, J. (1973) The Need for a Recovery of Philosophy. In The Philosophy of John Dewey. Edited by John J. McDermott, Chicago: The University of Chicago Press, pp. 58-97.

[68] Joas, H. La créativité de l’agir. Op. cit.















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